Après avoir identifié les freins qui empêchent les femmes de s’orienter plus massivement vers les métiers et les formations du numérique, il est apparu que les rôles modèles mis en avant dans la culture populaire autour de la tech étaient essentiellement masculins.
La question de la représentation se pose alors dans ce milieu. Des actions sont faites ces dernières années pour diversifier les héros dans les films, avec parfois des protagonistes féminins à la tête d’entreprise technologique innovante ou mettant en valeur des femmes pionnières. C’est le cas du film Les Figures de l’ombre, qui retrace la fabuleuse histoire de Katherine Johnson, mathématicienne et informaticienne américaine. En mettant son génie au service de la NASA, Katherine a contribué au succès de nombreuses missions spatiales dont la mission d’Apollo 11, consistant à envoyer les premiers hommes sur la lune.
Quels exemples plus proche de la réalité des jeunes ?
Nombreuses sont les jeunes femmes ayant choisi la voie de l’informatique (ingénieure logiciel, ergonomie, architecte cloud…) et qui ont décidé de partager l’évolution de leur état d’esprit, mais aussi partager les rencontres et actions menant à leur réussite professionnelle et épanouissement personnel. On entend ici par “réussite”, parvenir à obtenir le statut ou métier recherché. En restant dans l’ombre, ces talents ne peuvent pas partager leurs déclics et leurs réalités qui pourraient aider d’autres femmes à s’affranchir de leur autocensure.
A l’inverse, partager peut permettre de lever les freins externes et internes, à créer des déclics conscients ou non, et à inspirer. Sur nos campus, c’est Amel, Alumni de la Web@cadémie, qui s’est prêtée à l’exercice durant la Semaine européenne du numérique responsable en juin à Strasbourg, ou encore Coralyse, Alumni parisienne, durant une présentation de prospects en mai.
Devant une cinquantaine de personnes, Amel et Coralyse ont retracé leurs parcours, depuis leurs premiers postes d’infirmière et graphiste, puis leurs premiers doutes et enfin le déclic. Ce déclic s’est transformé en une audace, audace qui les a poussées à s’inscrire au cursus qui allait permettre cette reconversion reportée ou remise en question maintes fois.
En parallèle, on assiste à la démultiplication du nombre de des femmes exposant leur parcours de vie sur les réseaux sociaux, que ce soit à travers une activité entrepreneuriale ou une envie ponctuelle d’inspirer.
C’est le cas de Myriam Kante, créatrice de contenus ludiques sur Tiktok, @mamajob.
Myriam vulgarise au quotidien certains métiers de la tech. Ici, en rendant les informations accessibles et ludiques, elle permet une meilleure capacité de projection pour ces jeunes femmes et hommes qui l’écoutent. Le statut ou métier recherché semble alors plus atteignable.
Certains domaines bénéficient de préjugés plus durs que d’autres, c’est notamment le cas des jeux vidéo. Juliette Leprince et Jennifer Lusau se sont emparées de ce sujet, en créant deux structures aux actions complémentaires, Womeningames et Afrogameuses respectivement.
Jennifer, adepte de jeux vidéo depuis ses 7 ans, subit multiples discriminations en tant que femme noire et fait l’objet d’insultes régulières. Elle finit, adolescente, à jouer avec des personnages masculins, dans ce milieu “raciste et sexiste” du gaming, où etre une femme noire constitue en soi un geste militant. Dans ce milieu très masculin, les personnages femmes sont par défaut déjà estimées comme plus faibles que les hommes et sont invisibilisées, blanche comme noire.
Jennifer décide de cesser cette invisibilité et crée cette association pour développer l’intérêt des jeunes femmes noires pour streamer, mais aussi pour travailler dans ce milieu. Espace de soutien, plaidoyer, ateliers de sensibilisation, les champs de l’association Afrogameuses sont complémentaires. En novembre 2020, le magazine Vanity Fair élit Jennifer Lufau comme l’une des « cinquante Françaises qui ont fait 2020 ».
Un manifeste à destination des studios de jeux vidéo revendiquant plus de personnages féminins noirs non-stéréotypés a également vu le jour en 2022. Ce travail de longue haleine contribue à changer les représentations, à capter un nouveau public. On assiste alors à un “empowerment” des streameuses noires.
Ainsi, partager ce contenu d’utilité publique et expliciter ces barrières à lever est primordial.
Les discours de ces rôles modèles, vont modifier petit à petit les croyances de ces femmes et déconstruire les stéréotypes, mécanismes d’autocensure. Le métier idéal va alors leur sembler plus atteignable.
La boucle est alors bouclée : si plus de minorités travaillent dans la tech, alors les services et produits créés seront plus représentatifs de la diversité de la population française.
La capacité d’identification des jeunes hommes et jeunes femmes à ces métiers en sera d’autant plus forte et, alors, la curiosité pour ces métiers se développera.